L'histoire de Ming
Aujourd’hui, Ming a 17 ans. Et une vie brisée, même s’il a réussi, par miracle, à s’enfuir de l’armée il y a cinq mois. Il vit caché dans une famille, quelque part au nord de la Thaïlande. En attente d’un pays d’accueil... Il raconte six années d’horreur : "J’ai été recruté de force à 11 ans, sur le quai d’une gare. Les soldats de l’armée birmane m’ont menacé de me frapper et de s’en prendre à ma famille si je ne les suivais pas. J’ai été embarqué dans un camion jusqu’à la base militaire. Après un an de travaux à la base, je suis parti six mois en camp d’entraînement à Mingaladon, près de Rangoon. J’avais 12 ans. On nous a d’abord montré comment saluer et se tenir en présence d’un officier. Ensuite, on nous a appris à poser et à désamorcer des mines terrestres, à démonter et réparer des mortiers de 60 mm, à tirer avec précision jusqu’à 90 m... Nous étions brimés par les sous-officiers. Ils mettaient du sable dans notre riz alors que nous n’avions que ça à manger ! Le week-end, on s’échinait à couper du bois et à fendre des bambous pour leur domicile personnel. S’ils n’étaient pas satisfaits, ils nous frappaient à coups de bambous et de fer. Et nous attachaient en plein soleil. Beaucoup d’enfants ont eu les mains ou les jambes brisées pendant l’entraînement. Mon ami Shan en est mort. Il n‘est pas le seul". Durant six années de combat, Ming a été contraint aux pires exactions. Et envers les siens, les Karens. "La junte voue une haine féroce aux Karens qu’ils surnomment les Teignes. Alors que je suis Karen, on m’a obligé à tuer et à violer des femmes de mon sang" !
Les officiers nous demandaient : "Pourquoi est-ce que vous ne recrutez pas ces paysans karens ? C’est votre belle-famille ou pas ? Mon refus m’a valu une trentaine de coups de barre de fer dans le dos par l’adjudant Han Tun". Plus de vie, plus de famille, plus d’avenir, ces enfants dans le désarroi le plus profond sont plusieurs centaines à se suicider chaque année. D’autres tentent l’évasion. Comme Ming, qui craint que les militaires retrouvent et emprisonnent des membres de sa famille. Parce qu’il a déserté. "Je ne peux pas revenir en Birmanie. Je ne reverrai sans doute plus jamais mes parents et mes soeurs. Je vais aller vivre seul quelque part… Si je n’avais pas fui, peut-être qu’un jour j’aurais pu retourner dans ma famille…Finalement, je me demande si j’ai fait le bon choix... Mon seul espoir est que le pays se démocratise réellement sous le poids de la pression internationale".
(Extrait d'un article de l'hebdomadaire en ligne Le Point de 2010)
"Ils ont rempli les formulaires et m’ont demandé mon âge. Et quand j’ai dit 16 ans, ils m’ont frappé et le sergent m’a dit : "Tu as 18 ans. Réponds 18 ans". Il m’a reposé la question et j’ai dit : "Mais c’est vraiment mon âge". Le sergent m’a demandé : "Alors, pourquoi t’es-tu enrôlé dans l’armée ?" J’ai répondu : "C’était contre mon gré. J’ai été capturé". Il a dit : "Ok, ferme-la alors", et il a complété le formulaire. Je voulais seulement rentrer chez moi et je leur ai dit mais ils ont refusé. J’ai dit : "Alors, s’il vous plaît, laissez moi simplement donner un coup de fil" mais ils ont refusé cela aussi".
Maung Zaw Oo, décrivant son deuxième enrôlement forcé dans l’armée, en 2005.
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